A LINEA

Du questionnement de la ligne comme phonème ou atome du dessin jusqu’au dessein intérieur.

La ligne a connu toutes sortes de partis pris, de luttes, d’appropriations. Notamment, la netteté des contours classiques s’opposant aux vibrations colorées sans contour fixe rendues, dans certains dessins maniéristes, par une succession rapprochée de coups de plumes, de lignes imitant la gravure ; la ligne comme outil du designo qui indique la proximité entre dessin et dessein permettant de concevoir, de planifier un projet mais aussi de rendre un « dessin intérieur » ; la ligne comme geste qui exprime un mouvement et la temporalité d’un geste. On pourra évoquer également le dépassement de la dialectique dessin-couleur par Yves Klein, résolu dans une matière colorée qui créée ses propres contours. La problématique de la ligne et son dépassement peut se continuer jusqu’à l’infini avant le point de fuite, avant le lieu où les lignes parallèles se croisent.

La ligne est le phonème, l’atome du dessin, du dessein et de la perception visuelle. Comme une combinaison de phonèmes forment le langage, une combinaison de lignes définit le dessin.

Un alinéa, c’est la marque d’un « retour à la ligne », et cette marque est un espace vide avant le texte, espace intérieur avant le discours. Mais cela provient aussi, paradoxalement du latin « a linea », « en s’écartant de la ligne », « quitter la ligne » à laquelle nous sommes, pour en commencer une nouvelle.

Le questionnement de l’exposition « a linea » se situe dans cet entre-deux, faire « retour à la ligne » pour l’interroger en temps que telle, et « s’écarter de la ligne » pour aller vers ce qu’elle permet : le dessin, le dessein, le contour, le contenu, le mouvement… Interroger la ligne en temps que telle, c’est explorer ses possibles, sa plasticité : lignes pliées, coupées, segmentées… « S’écarter de la ligne », c’est chercher à la dépasser comme limite, à mettre son idéologie en porte-à-faux, à en réinventer le langage et les présupposés, par exemple en ne la considérant plus comme contour délimitant un contenu mais comme forme définie en contre-forme, non plus comme outil pour faire un rendu de matière dans un dessin mais comme matière elle-même.